Sade – Justine ou les Malheurs de la vertu

par Dareel
Sade - Justine ou les Malheurs de la vertu

Rejetant la douce nature rousseauiste, Sade dévoile le mal qui est en nous et dans la vie.

La vertueuse Justine fait la confidence de ses malheurs et demeure jusque dans les plus scabreux détails l’incarnation de la vertu.

Apologie du crime, de la liberté des corps comme des esprits, de la cruauté, “extrême sensibilité des organes connue seulement des êtres délicats”, l’œuvre du marquis de Sade étonne ou scandalise. “Elle paraît bien n’être, dit Klossowski, qu’un seul cri désespéré, lancé à l’image de la virginité inaccessible, cri enveloppé et comme enchâssé dans un cantique de blasphèmes.”

C’est aussi une œuvre d’une poésie délirante et pleine d’humour noir.

Bon…! Je voulais du roman qui claque, qui choque, qui révolutionne son époque, me voilà servie…! Que dire de ce très fameux Justine, ou les Malheurs de la Vertu, probablement œuvre la plus connue du Marquis de Sade, et parmi celles qui ont le plus fait scandale toutes œuvres comprises lors de leur parution.

UN PERSONNAGE TROUBLANT DE VERTU

Il s’agit donc de Justine, ou Thérèse dans cette version, mais ça ne change pas grand chose, jeune fille orpheline et laissée sans le sous, séparée de sa soeur et qui doit se débrouiller seule pour survivre et essayer de se faire une place dans le monde. Seulement voilà, Thérèse est jeune, Thérèse est jolie, Thérèse est très, très, TRES vertueuse, voire complètement naïve. Et elle ne va tomber que des personnes mal intentionnées. C’est en tout cas ce qu’elle racontera à sa future bienfaitrice qui la libèrera de son énième coup du sort.

UNE APOLOGIE DU MAL ?

De kidnappings en kidnappings, de sévices sexuels aux privations les plus terribles, de tortures et viols répétées à l’asservissement complet, Sade ne nous épargne aucun détail des infortunes qui arriveront à Thérèse, qui gardera obstinément foi en la bonté de l’Homme, quitte à se faire avoir une, deux, trois, dix fois par les pires scélérats qui vivent dans la luxure et le libertinage. Car le libertinage est bien le maître-mot de ce roman, au sein duquel l’auteur n’hésite pas à presque normaliser les pires comportements sexuels non consentis, et à faire l’apologie des déviances les plus sombres, réduisant le sexe féminin à un simple jouet sexuel, faisant des femmes les esclaves des envies des hommes. 

C’est une lecture qui m’a été laborieuse, parce que même si très bien écrite et “agréable” à lire, le contenu était parfois difficilement soutenable, tant le glauque, le malaise, le mal et la souffrance ont une place essentielle dans ce roman. Sade prend un malin plaisir à aller toujours plus loin dans les tortures qu’il inflige à Justine, et ses discours et sophismes comme il en est question nous font comprendre sa réelle tendance à vivre dans le libertinage au mépris du consentement des femmes, et à assumer un côté mysogine très poussé.

UNE REMISE EN QUESTION DE NOS PRINCIPES

S’il est avéré que Sade abhorrait tout ce qui touchait au monde religieux, il nous le fait bien comprendre et met en opposition tous les arguments de la vertueuse Thérèse avec la simple envie des hommes, et utilise des prétextes tels que “si la nature l’a voulu, c’est qu’il ne doit pas en être autrement” pour justifier les pires déviances de ses personnages. Parfois, on dirait que c’est du gore pour du gore. Puis l’aspect philosophique de la nature de l’homme, de ses envies, du pourquoi ceci serait bien et ceci serait mal parvient à réellement nous faire nous questionner parfois. Jusqu’où aller pour satisfaire ses plaisirs et vivre dans le bonheur le plus complet ? Le plus fort doit-il écraser le plus faible ? Les choses sont-elles vraiment contre-nature si elles existent au sein de la nature même ? Qu’est-ce qui est vraiment Mal et vraiment Bon ?

On a l’impression de ne jamais s’en sortir, de plonger avec Justine à chaque fois qu’elle rencontre un soi-disant nouveau bienfaiteur, et étonnamment, même certaines femmes chercheront à lui nuire. Et franchement, elle est particulièrement agaçante de naïveté à force, on a envie de la secouer… D’ailleurs tous les personnages sont un peu des caricatures d’eux-mêmes.

En résumé, c’est un livre dur et difficile à livre, qui peut donner l’impression de faire volontairement dans le scandale, mais qui cache une remise en question profonde de nos principes les plus élémentaires et un questionnement que l’on se surprend à penser parfois légitime. Cette lecture ne laisse pas indemne, ni de marbre !

Jetez-y un oeil...

2 commentaires

Fattorius 13 septembre 2022 - 14:33

Un très ancien souvenir de lecture pour moi! En effet, c’est extrême. A rapprocher de son pendant, “Juliette ou les prospérités du vice”, du même auteur!
Bonne journée à toi!

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Dareel 13 septembre 2022 - 16:23

Wow, je n’avais jamais entendu parler celui-là ! Me voilà intriguée !

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