Romain Gary (Emile Ajar) – Gros-Câlin

par Dareel
Romain Gary (Emile Ajar) - Gros-Câlin

“Je sais parfaitement que la plupart des jeunes femmes aujourd’hui refuseraient de vivre en appartement avec un python de deux mètres vingt qui n’aime rien tant que de s’enrouler affectueusement autour de vous, des pieds à la tête. Mais il se trouve que Mlle Dreyfus est une Noire de la Guyane française, comme son nom l’indique. J’ai lu tout ce qu’on peut lire sur la Guyane quand on est amoureux et j’ai appris qu’il y a cinquante-deux familles noires qui ont adopté ce nom, à cause de la gloire nationale et du racisme aux armées en 1905. Comme ça, personne n’ose les toucher.”

M. COUSIN A LA RECHERCHE DU BONHEUR

Nous faisons ici la connaissance de M. Cousin, qui a la particularité d’avoir adopté un python africain de plus de 2,2m de long. Attention , on parle ici d’un python très affectueux, qui s’enroule autour de son maître non pas pour l’étouffer (…), mais bien pour le serrer dans ses anneaux. M. Cousin est un homme seul, effroyablement seul, et épris de sa collègue Mme Dreyfus, “romance” s’il en est qui lui confère un léger côté érotomane, puisqu’un simple trajet en ascenseur avec elle prend pour lui des allures d’escapade romantique même sans un mot échangé.

Notre protagoniste, à travers ce roman Gros-Câlin, dont le nom est tout simplement tiré du prénom donné à son serpent, a décidé d’écrire un recueil zoologique sur les conditions de vie d’un python en plein Paris ! Vous m’en direz tant… Il nous raconte ainsi son quotidien entre sa vie en colocation avec son serpent, ses approches pour conquérir sa collègue et sa quête pour être toujours plus complice de son animal.

Lorsqu’on voyage ensemble, on apprend des tas de choses les uns sur les autres, on se découvre. Il est vrai que la plupart des gens restent debout dans l’ascenseur, sans se regarder, verticalement et raides, pour ne pas avoir l’air d’envahir le territoire des autres. C’est des clubs anglais, les ascenseurs, sauf que c’est debout, avec les arrêts aux étages. Celui de la STAT met une bonne minute dix pour arriver chez nous, et si on fait ça tous les jours, même sans se parler, on finit malgré tout par faire une petite bande d’amis, d’habitués de l’ascenseur. Les lieux de rencontres, c’est capital.

Romain Gary

UN ROMAN SUR UN PYTHON, VRAIMENT ?

Si ce récit se veut avant tout zoologique selon M. Cousin, il devient vite évident que l’on n’apprendra rien sur les pythons à Paris, ou du moins si peu. M. Cousin va surtout de digressions en digressions, d’expressions malheureuses à des jeux de mots maladroits, se perd en tergiversations inutiles et discours incohérents, tout en nous donnant l’illusion de savoir exactement où il va. Si cela peut paraître brouillon et déconcertant à première vue, on se rend très vite compte de l’effet comique de la narration de ce personnage, petit bonhomme au nom papillon et au chapeau toujours en place, haut en couleurs et bourré d’avis et d’opinions, mais toujours si confus.

On passe régulièrement du what the f***? aux rires, on sourit, on se perd, on revient au sujet, ça n’en finit pas ! Tout ça pour arriver où ? Souvent nulle part. Les dialogues ne servent pas le récit, les personnages non plus, rien ne contribue à l’élaboration de son récit sur les pythons. Et c’est ce qui est drôle.

On sent en revanche une grande tristesse chez M. Cousin, une affreuse solitude, une vie pathétique moquée par ses collègues et un appel à l’aide à chaque nouvelle personne qu’il rencontre. Et c’est ça le vrai thème de ce roman.

Je me sentais bien, j’éprouvais une sorte d’euphorie et de prologomène, mot dont je ne connais pas le sens et que j’emploie toujours lorsque je veux exprimer ma confiance dans l’inconnu.

Romain Gary

VERDICT

Romain Gary, de son pseudonyme Emile Ajar pour ce premier roman, nous sert un récit volontairement absurde qui révèle au final au grande critique de la société – la quête du bonheur, la solitude, l’écoute, la recherche de toujours plus – sans se prendre trop au sérieux. C’est un roman à décanter et digérer un peu, au risque de le trouver trop confus à première vue. Il m’a fait réfléchir, et je pense qu’il est indispensable de se poser un peu avant de le critiquer. J’ai aimé la tournure qu’il a pris même s’il m’a surprise d’une manière générale. Je continuerai à découvrir Romain Gary, c’était une première pour moi et je pense avoir tapé dans un ovni pour commencer…!

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